1. Tom Zé - Correio da Estação do Brás (1978)
2. Tom Zé - Curiosidade (1998)
3. Tom Zé - Acum-Maha - Revolta Jegê-Mina-Fon 1834 [Live] (2008)
4. Tom Zé - Passagem de Som (2000)
5. Tom Zé & Zé Miguel Wisnik - Emerê (1997)
6. Tom Zé - O Olho do Lago (1998)
7. Tom Zé - ONU, Arma Mortal (1998)
8. Tom Zé - Peixe Viva (Iê-Quitingue) (2000)
9. Tom Zé - Perisséia (2000)
10. Tom Zé - Quero Sambar Meu Bem (1968)
11. Tom Zé - Cortina 2 (1992)
12. Tom Zé - Mã [Nave Maria riddim] (1975)
13. Tom Zé - Cafuas, Guetos e Santuários (2000)
14. Tom Zé & Gilberto Assis - Ayres da Mantiqueira (2002)
15. Tom Zé - Su Su Menino Mandú (1983)
16. Tom Zé - Cortina 4 (1992)
17. Tom Zé - Uai Uai - Revolta Queto Xambá 1832 [Live] (2008)
18. Tom Zé - Augusta, Angélica e Consolação (1973)
19. Tom Zé & Gilberto Assis - Nogueira do Monte (2002)
20. Tom Zé - Toc (1975)
21. Tom Zé & Zé Miguel Wisnik - Baião Velho (1997)
22. Tom Zé - Asa Branca [Luiz Gonzaga cover] (2000)
23. Tom Zé - Conto de Fraldas (1984)
24. Tom Zé - Hein? (1975)
25. Tom Zé - Curso Intensivo de Boas Maneras (1968)
26. Tom Zé - Feitiço (1969)
27. Tom Zé - Cademar (1973)
28. Tom Zé - Qualquer Bobagem (1970)
29. Tom Zé - Índice (1975)
have.
Os caminhões para Elisa est un résumé de l’œuvre complète de Tom Zé, compositeur et chanteur brésilien, membre-clé du mouvement Tropicália depuis 1968, compagnon de route de Gilberto Gil et Caetano Veloso à leurs débuts, et parfois auteur-compositeur pour Gal Costa, Os Mutantes ou Os Brazões.
La pochette est signée de la main de Timothée Lambert, et contient un hommage aux camions de BTP de São Paulo (ville perpétuellement en chantier selon Zé), qui lorsqu’ils reculent, émettent les deux premières notes de la Lettre à Elise de Beethoven. Un détail qui est également familier à votre serviteur, ayant grandi près d’une carrière à grès à flanc de montagne (donc avec beaucoup de marches arrières à faire).
On aurait envie de commencer, pour vous décrire la musique si indescriptible de Tom Zé, par vous dire qu’il est le musicien le plus génial du monde. Seulement, il paraît que de telles choses ne se disent pas, à peine si elles se pensent. Alors on se bornera à vous signaler qu’il s’agit très probablement du plus génial des dodécaphonistes nordestins, installé dans la mégalopole de São Paulo, dont l’immense brassage de populations continue de l’inspirer à ce jour (à 83 ans, Zé continue de sortir des albums pratiquement tous les ans).
Bon guitariste acoustique, Zé est capable d’écrire pour les instruments les plus improbables, et surtout pour les chœurs féminins, élément reconnaissable de sa musique, qu’il assimile aux choreutes du théâtre grec, tantôt muses tantôt harpies, rythmant l’action et lui donnant ses envolées savantes quand bien même les pieds seraient gardés dans la poussière de Bahia, dont Zé est originaire. Outre cet instrument polyphonique entre tous, on trouve aussi sur les disques de Tom Zé des traces de triangûlo (instrument-clé du forró), reco-reco, bandolim (tenu par Jarbas Mariz, héros oublié de l’acid-folk brésilien et acolyte inséparable de Zé depuis les années 90), hertZé (sampler primitif inventé en 1978), scies circulaires, feuilles de ficus, sifflements, bruits de bouche, souffle, nerfs, cerveau... etc.
Entre minimalisme des moyens et maximalisme de l’empilement, Zé crée une musique profondément physique, parfois destinée à des compagnies de danse, et toujours animée par une pulsation basse typique du Forró, genre encore très déconsidéré au moment où Zé sort son premier album. Paradoxalement, malgré cette générosité, il y a dans la voix de Tom Zé et dans certains de ses choix harmoniques, le son de la fatigue. Fatigue de la ville, fatigue du manque de pluie, fatigue de l’exil, fatigue d’une certaine misère ? Peu importe, au fond. Tom Zé parle à tous les fatigués en qui sommeille un bâtisseur de cathédrales. Pour beaucoup, il a commencé à construire la sienne avec l’album Estudando O Samba (1975), son plus culte, réédité ces jours-ci par Mr Bongo.
Cette compil souligne tous les déséquilibres si féconds à l’œuvre dans son œuvre ! Les silences, les vides, qui font tension avec les moments de grande densité, qui semblent aimanter tout le tohu-bohu du monde en une danse sur plusieurs niveaux, un chaos orchestré avec la rigueur d’un démon et la patience d’un ange. Ce contraste entre ce manque, ces passages spartiates, et ce soudain déferlement, cette profusion atonale, c’est un peu ce qui rend Tom Zé irrémédiablement brésilien, car n’est-ce pas le brésil qui semble chercher à parler (que dis-je, à nous crier aux oreilles) à travers sa musique, et tous les autres musiciens jamais enfantés par le Brésil derrière lui ? Car le point commun le plus sûr (les mauvaises langues diraient « le plus petit dénominateur commun ») entre Dieu, Jésus, Jair Bolsonaro et Tom Zé, c’est qu’ils n’ont pas peur du ridicule. Pour la bonne ou la mauvaise cause.
Dariev Stands
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